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Carte blanche à Peti Peti

Théâtre de la Parcheminerie - Rennes

LES NOUVEAUX EXPLORATEURS

 

L'association rennaise peti peti défend bec et ongles un cinéma « hors-pistes » dans lequel l'expérimentation, la réflexion, la sensation rayonnent, sans bouder pour autant ses cousins Fiction et Documentaire. Un cinéma ouvert, allergique aux étiquettes et, surtout, au confort des habitudes.

Pour cette séance, l'association braquera sa lampe de poche sur les nouveaux explorateurs, à travers des films courts qui explorent l'étrangeté du quotidien et font de la perception, une aventure et du cinéma, une Odyssée.

 

Au programme :

All my life – Bruce baillie, 1966, 16mm, 3mn, couleur, sonore
Un plan simple (sur un jardin en friche à San Francisco), un temps simple (celui d'une chanson d'Ella Fitzgerald, qui donne son titre au film) et un parti-pris simple (filmer autour de soi, en continu, à 360°) font de ce film l'un des plus célèbres de l'histoire du cinéma expérimental américain. Pourquoi ? Parce qu'à travers ce vœu de simplicité, le regard de Bruce Baillie  transforme un espace parfaitement quelconque en un univers chatoyant, nostalgique, un peu mystérieux et terriblement sensuel.

Un vent léger dans le feuillage – Martine Rousset, 1994, 16mm, 3mn, couleur, sonore
Les films de Martine Rousset reposent souvent sur l'observation de choses très ordinaires que leur filmage rend extraordinaires. Un vent léger dans le feuillage ne déroge pas à ce principe et, en même temps qu'il correspond parfaitement à son titre, il est aussi un film sur la lumière, sur le temps, un feu d'artifice extrêmement lent... et un traité visuel de la photosynthèse.

Unsere afrikareise – Peter Kubelka, 1961-1966, 16mm, 12mn, couleur, sonore
Engagé au début des années 1960 par un groupe de riches touristes autrichiens pour documenter leur safari au Soudan, Peter Kubelka mettra cinq ans pour achever Unsere afrikareise, qui sera immédiatement désavoué par ses commanditaires. Non seulement le cinéaste y ridiculise le regard colonialiste en le retournant contre lui-même (comme l'avaient fait d'autres cinéastes expérimentaux dès le milieu des années 1920) pour en montrer la vanité et la sauvagerie, mais il élabore ici une critique profonde du « film d'exploration » popularisé par Hollywood, en s'attachant à travailler notamment, au photogramme près, les relations entre les images et les sons. Son film est bel et bien un documentaire au sens où un regard s'y affirme clairement, envers et contre le mythe du cinéma comme restitution transparente du réel.

Parties visible et invisible d'un ensemble sous tension – Emmanuel Lefrant, 2009, 16mm, 7mn, couleur, sonore
Tournées en Afrique, enterrées sur le le lieu même du tournage pour qu'elles subissent l'érosion du sol, puis retravaillées en laboratoire, les images du film d'Emmanuel Lefrant sont en quelque sorte le contrepoint « matériel » du film de Kubelka. Un film où l'exploration est là encore un principe critique avant d'être un motif de divertissement ou une entreprise d'asservissement, et où le travail ne s'arrête pas au retour de l'explorateur dans son pays mais, au contraire, y commence : comme Kubelka avec le montage, la dimension exploratoire du travail de Lefrant advient véritablement lorsque les images collectées commencent à être re-vues, re-prises, re-travaillées. Ce qui fait sens est moins le moment du tournage que celui de sa remise en jeu, table rase d'où naîtra le film.

Blanket statement n°1 : Home is where the heart is – Jodie Mack, 2012, 16mm, 3mn, couleur, sonore
Les films de Jodie Mack sont de petites fresques visuelles (et sonores) qui assemblent les chutes et les rebuts parsemant nos maisons pour les transformer en motifs d'enchantement. Dans Blanket statement n°1, ce sont les plaids de nos grands-mères qui sont mis à contribution, utilisés comme on n'aurait jamais pensé le faire, et derrière la cocasserie de l'entreprise et sa beauté inattendue, pointe aussi une réflexion plus vaste sur notre rapport au temps, aux objets, à ce que nous consommons puis abandonnons pour mieux consommer davantage. Par sa modestie et son point de vue singulier sur un monde en train de disparaître, le travail de Jodie Mack la rapproche des formidables miniatures filmées par Alain Cavalier pour sa série de Portraits.

Degradation n°1, x ray : part 2. Government radiation – James Schneider, 2007, 16mm, 3mn, couleur, sonore
« Pour Government Radiation, la première étape consistait à filmer le Capitole sur 100 pieds de film 16mm (Kodak-7205, 250 ASA). Ensuite, [...] le film fut découpé en 6 parties égales et passé à travers les rayons X des machines de sécurité du gouvernement à Washington DC : 0, 4, 8, 16, 32, 64, et 128 fois. Le résultat est un effacement graduel de l'image. » James Schneider

Jeux de voyage – Charles-André Coderre & Claudia Garceau, 2015, Super 8 (fichier numérique), 3mn, Noir & Blanc, sonore
Comme certains films du malicieux Érik Bullot par exemple, Jeux de voyage est une fantaisie, une rêverie cinématographique. Revenant d'une série de voyages hors du Québec où ils vivent tous les deux, Coderre et Garceau ont décidé, non de montrer des images prises, mais des objets élus : bibelots, carte postales, chapeaux de paille se mélangent joyeusement dans un petit appartement qui devient l'univers en miniature de deux explorateurs modestes, qui s'émerveillent eux-mêmes de ce que le monde leur a donné.

Brouillard n°14 – Alexandre Larose, 2013, 35mm (fichier numérique), 10mn, couleur, silencieux
Éloge de la répétition : en réitérant sans cesse, caméra en main, le même trajet, aux mêmes endroits, dans la même position, Alexandre Larose ne se contente pas de montrer qu'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. Il produit un formidable poème visuel, doublé d'une réflexion sur deux enjeux majeurs du geste documentaire : la mémoire et l'obsession.